10 Mai 2011
Dimanche 8 mai à 11h 30 mon père est partit rejoindre le grand TOUT, l'universel.
Il sera incinéré vendredi 13 mai à 10h et ses cendres seront dispersées en mer.
Je demande le silence
Qu'on me laisse tranquille à présent.
Qu'on s'habitue sans moi à présent.
Je vais fermer les yeux.
Et je ne veux que cinq chose,
cinq racines préférées.
L'une est l'amour sans fin.
La seconde est de voir l'automne.
Je ne peux être sans que les feuilles
volent et reviennent à terre.
La troisième est le grave hiver,
la pluie que j'ai aimée, la caresse
du feu dans le froid sylvestre.
Quatrièmement l'été
rond comme une pastèque.
La cinquième chose ce sont es yeux,
ma Béa, bien-aimée,
je ne veux pas dormir sans tes yeux,
je ne veux pas être sans que tu me regardes:
je change le printemps
afin que tu continues à me regarder.
Amis voilà ce que je veux.
C'est presque rien et presque tout.
A présent si vous le désirez partez.
J'ai tant vécu qu'un jour
vous devrez m'oubliez inéluctablement,
vous m'effacerez du tableau :
mon coeur n'a pas de fin.
Mais parceque je demande le silence
ne croyez pas que je vais mourir :
c'est tout le contraire qui m'arrive
il advient que je vais me vivre.
Il advient que je suis et poursuis.
Ne serait-ce donc pas qu'en moi
poussent des céréales,
d'abord les grains qui déchirent
la terre pour voir la lumière,
mais la terre mère est obscure,
et en moi je suis obscur :
je suis comme un puit dans l'eau duquel
la nuit dépose ses étoiles
et poursuit seule à travers la campagne.
Le fait que j'ai tant vécu
et que je veux vivre encore autant.
Je ne me suis jamais senti si vibrant,
je n'ai jamais eu tant de baisers.
A présent, comme toujours, il est tôt.
La lumière vole avec ses abeilles.
Laissez moi seul avec le jour.
Je demande la permission de naître.
Claude Guignabert.
(texte de Pablo Neruda)